Économie et écologie vont en bateau : écologie tombe à l’eau ?
Edito de Hugues Sibille,
Septembre 2018
Le départ de Nicolas Hulot fait couler beaucoup d’encre. Cette démission, hors considérations personnelles ou politiciennes, mérite en effet qu’on y réfléchisse sur le fonds et du point de vue de l’ESS.
Son retrait est présenté en général comme la défaite d’une ligne Écologique face à une ligne Économique. En bref, les intérêts à court terme des marchés, des entreprises et des lobbyistes l’auraient emporté sur ceux à long terme du climat, de la santé, des citoyens. Bercy contre Saint Germain : 1/0 !
J’observe que cette opposition rappelle furieusement celle entre l’économie et le social. L’écologie, comme le social, serait d’abord une charge, une dépense et une contrainte pour le monde économique. Il s’agirait donc, encore et toujours, de laisser l’entreprise rentable créer librement de la richesse économique grâce à laquelle l’État peut « redistribuer » vers le social ou l’écologie, par définition non rentables. Nous, ESS, devons résister inlassablement à cette vision tout à fait Ancien Monde ! L’écologie, comme le social, doit être considérée comme investissement productif et intégrée au cœur des modèles économiques et d’emploi.
Plusieurs considérations en découlent.
Une première conduit à inciter vivement les entreprises ESS à devenir plus vite et plus fort des entreprises sociales ET écologiques, à rechercher des modèles économiques et des gouvernances démocratiques qui mettent l’Écologie au cœur de leurs projets d’entreprise. Les entreprises ESS, non cotées en bourse, non cessibles sur les marchés, sont des entreprises inscrites sur le long terme. Elles doivent montrer que l’opposition économie/ écologie est stérile. Je regrette pour ma part que ces entreprises aient été un peu frileuses après la COP 21 malgré les appels du Labo de l’ESS. Il faut accélérer. En mettant en place des indicateurs d’impact social ET écologique (exemple : Guide des bonnes pratiques). En introduisant ce sujet dans les gouvernances démocratiques (exemple : Comité spécialisé des CA). En s’intéressant de près aux start-up écologiques pour qu’elles rejoignent l’ESS (exemple : Start Up de territoires). Devenons économie sociale, solidaire et écologique (ESSE) !
Une seconde considération conduit à réaffirmer l’importance du territoire comme espace pertinent pour construire les accords-désaccords entre économie et écologie dans lesquels les citoyens puissent être pro-actifs. Ce fut une faiblesse de l’État (y compris de N.Hulot) de laisser tomber les PTCE (Pôles Territoriaux de Coopération Economique). Le Labo de l’ESS lance cet automne un très ambitieux programme « Territoires pionniers » pour reprendre et amplifier les acquis des PTCE. Il faut au sein de démarches territoriales « ré-encastrer » économique, social et écologique. Ce nouveau projet du Labo, piloté par Odile Kirchner, travaillera en même temps sur Territoires zéro chômeurs, Territoires à énergie positive, PTCE, Tiers-Lieux ou Start Up de territoires, et bien d’autres. Il introduira un fort volet sur la responsabilité territoriale de l’entreprise (RTE) précisément pour lier modèle économique et modèle écologique.
Une troisième considération, plus politique, tient à la relation État/Société civile. La résolution des inévitables conflits d’intérêt entre économie et écologie nécessite que la société civile s’implique davantage pour faire pression sur l’Etat. Une forme de résistance citoyenne aux lobbies. Ceci est, de mon point de vue, une partie de l’explication de l’échec de Nicolas Hulot qui n’a pas su encourager la montée en puissance de la société civile sur ses sujets et s’appuyer sur elle. J’invite l’ESS à se regrouper vite pour peser dans ces rapports de force. J’invite le prochain ministre à nouer des alliances plus dynamiques avec le monde de l’ESS. Enfin, si l’on veut sortir de la séparation écologie/économie/social, ne faudra-t-il pas ramener un jour ces sujets à Bercy ?